Frenchedelia Addendum #1

Frenchedelia Addendum #1, 09/2014


Nous l'avons clamé à moult reprises et pendant de longs mois après la parution de notre dossier Frenchedelia, l'exploration de la fourmillante scène psychédélique française était finalement bien loin d'être achevée et notre impétueuse dévotion nous avait alors fait graver dans nos commandements d'argiles la noble quête d'y donner une suite. Pendant ces longs mois nous avons sagement laissé filer les journées sans les compter, traînant notre carcasse de villes en villes et notre esprit de rives en rives. L'occasion d'approfondir nos recherches musicales et de constater de bien malheureux oublis, mais aussi d'entrer en contact avec de preux camarades de croisade. La première édition du Paris International Festival Of Psychedelic Music aura été cette année un temps fort de la mouvance psychédélique contemporaine en France, réunissant de fidèles pèlerins des quatre coins de l'hexagone autour d'une programmation internationale peignant une représentation intéressante de la diversité du mouvement. Après le Festival Levitation d'Angers il devient le deuxième fistons français de papa Austin Psych Fest, traduisant un engouement croissant autour de cette reviviscence psychédélique bigarrée.

Indéniablement l'épitaphe "psychédélique" rassemble aujourd'hui des familles musicales très variées, au delà de la définition d'un genre bien précis le psychédélisme traduit plutôt une convergence idéologique dans la conception de la musique. Une idéologie que l'on pourrait résumer par l’étymologie même du terme inventé à la suite d'un échange de poèmes entre le psychiatre Humphry Osmond et l'écrivain Aldous Huxley:
To make this trivial world sublime,
Take a half a gramme of phanerothyme.
To fathom Hell or soar angelic,
Just take a pinch of psychedelic.
Psychédélique, "qui révèle l'âme". La musique psychédélique endosse une nature mystique et se conçoit comme une expérience, une source d'exaltation de notre psyché. Ainsi elle cherche à se présenter simplement vêtue de son essence originelle; remontant à des temps reculés les hommes du paléolithique pratiquaient déjà cet art ancestral, une forme d'expression par delà le langage, où les vibrations acoustiques et les mélodies traduisent des émotions à qui le rythme donne la vie. Cette essence la musique l'a peu à peu entaché en devenant un produit industriel et standardisé. De l'art à l'absurdité, lorsque la qualité et le sens furent sacrifiés sur l'autel de la rentabilité.

Ainsi la première révolution contre culturelle du XXe siècle voit émerger les premier pionniers de la musique psychédélique, qui, bien aidés par les vertus enthéogènes de certaines substances psycho-actives immémoriales ré-explorent la portée spirituelle et extatique de la musique. Ils s'appellent, entre autre, Roky Erickson, Brian Jones, Sky Saxon, Jimi Hendrix, Jim Morrison, Syd Barrett, Lou Reed, Don Van Vliet. De tous ces sapeurs émérites nombreux sont ceux qui, âpres à la besogne, se seront malheureusement grillé bien trop vite la carafe. Paix à leur âme.
La musique psychédélique ne mourra pas pour autant avec eux, intemporelle elle se réincarnera ça et là au sein d'autres textures musicales. Sur fond de révolution électronique elle resurgit d'abord en Allemagne au début des années 70. C'est l'avènement du krautrock incarné entre autre par Can, Neu! ou Kraftwerk. Animés d'un état d'esprit expérimental, ils composent leur musique sur des rythmiques hypnotiques lardées de motifs et de mélodies avec lesquels ils explorent les nouveaux pouvoirs offerts par la fée électronique. 
Un peu plus tard, au beau milieu des années 80, le mouvement punk se voit peu à peu transcendé par toute une génération de psychotiques. Se reconnaissant dans l'esthétique glauque et minimale du punk, ils cherchent à explorer des horizons plus célestes en repoussant toujours plus loin les frontières de l'expérience psycho-acoustique. C'est armés de tout un arsenal de pédales d'effets héritées du progrès technologique et poussées à plein volume que la cold-wave, le post-punk ou encore un peu plus tard la dream pop et le shoegaze font leurs premières armes. De Joy Division à Spacemen 3, en passant par Cocteau Twins ou encore Jesus And Mary Chains, ils avaient tous pour influence commune de formidables précurseurs: citons pèle-mêle le Velvet Underground, le garage 60's primitif, le punk et le krautrock.

Si elle donne aujourd'hui l'impression d'opérer une forme de retour, la musique psychédélique n'a de fait jamais vraiment cessé d'exister, ne faisant que changer de formes et s'hybridant au fil du temps. C'est ainsi que des années 90 à nos jours on observe, emmené par une poignée de formations désormais cultes, une prolifération de groupes psychédéliques aux styles multiples et aux influences variées.

Il ne nous aura pas échappé de percevoir également les premiers écueils de la popularisation croissante de cette résurgence psychédélique, mouvement hétéroclite mais néanmoins en quête d'une certaine forme d'unité et qu'il faudra protéger des tentations spoliatrices et autres tentatives de corruption de la pieuvre Babylone. 
L'industrie musicale, et le système plus généralement, recherchent perpétuellement à absorber les courants contre culturels, à s'en approprier les symboles afin de pouvoir vendre du "cool" dénaturé et vidé de toute substance spirituelle ou dissidente. Parce que sur un plan purement matérialiste cette substance est tout simplement superficielle, ou parce qu'elle représente parfois même un danger potentiel pour l'ordre et les monopoles en place. 
Les exemples du passé nous le remémorent douloureusement. D'abord la culture hippie, cet authentique mouvement contestataire et spirituellement inspiré que le système a bien rapidement phagocyté pour ne laisser qu'au yeux des masses une poignée de clichés pastiches et un merchandising "made in China" bien portant. Puis le mouvement punk. Lui qui, intrinsèquement nihiliste, avait pris la relève du courant hippie, un peu comme la gueule de bois guette celui qui succombe aux joyeux excès d'une nuit festive. Lui qui s'était érigé en nouvelle mouvance anti-système, jetant ça et là les bases d'alternatives sociales et économiques sur fond de Thatcherisme, de chômage, de tensions et de misère sociale. Lui que le marché finira par vendre un peu plus tard comme vulgaire étiquette pour adolescent rebelle et en quête d'identité, en atteste la pénible déferlante de skate-punk américain des années 90 symbolisée entre autre par Blink 182 et Sum 41.

Si révolution psychédélique il y a, alors il sera d'autant plus intéressant d'observer sa capacité à s'unifier solidement et durablement autour de valeurs communes, dépassant continuellement son pur aspect esthétique, perpétuant sa richesse créative et ne cessant de construire une véritable alternative artistique et musicale en dissidence avec les circuits industriels mainstream.  Parmi les initiatives et les choses intéressantes qui émergent, au delà du récent bourgeonnement planétaire de Psych Fests aux line-up toujours plus touffus et aux prix plus qu'abordables, on notera la formation de collectifs soudant certains acteurs du mouvement: les collectifs Nøthing et Sons Of Confusion notamment, dont la plupart des groupes ont été évoqué dans notre précédente édition Frenchedelia, l'excellent travail de labels indépendants tels Cranes RecordsHowlin Banana Records ou Born Bad Records pour ne citer qu'eux, et l'organisation de soirées psychédéliques croisant la scène locale à l'internationale, citons pour exemple les Acid Test Party organisées par nos camarades du Jabberwocky Band à Rouen ou l'engouement croissant autour des soirées Psychedelic Revolution amorcées par les Sound Sweet Sound à Toulouse.  

La série Frenchedelia se poursuit donc, et nous avons fait le choix de lui dédier un nouveau format. Alors que le dossier qui aura marqué sa genèse se présentait sous la forme d'un joyeux capharnaüm de 61 groupes jetés là pèle mêle, la suite s'organisera sous la forme de numéros un peu plus structurés et mettant en lumière des séries de 14 groupes.
Sans plus attendre nous vous laissons jeter un œil à l'addendum #1 d'une série qui ne fait que commencer !


***


We've proclaimed it on many occasions and for many months after the publication of our Frenchedelia dossier, that exploring the flourishing French psychedelic scene was ultimately far from over. Our impetuous devotion made us engraved in our clay tablets the noble quest to keep on writing the next episodes. During these months we have wisely squandered time without counting the days, dragging our carcass from town to town and our mind from side to side. The opportunity to expand our musical research and take note of unfortunate oversights, but also to get in touch with crusade's fellows. The first edition of the Paris International Festival Of Psychedelic Music this year has been a highlight of the contemporary psychedelic movement in France, gathering faithful pilgrims from all corners of the hexagon around an international programmation drawing an interesting representation of the movement's diversity. After Levitation Festival of Angers it became the second French son of daddy Austin Psych Fest, reflecting a growing interest around this colorful psychedelic revival. 

Today, undeniably the "psychedelic" epitaph brings together many different musical families, beyond the definition of a specific kind, "Psychedelia" rather reflects an ideological convergence in the design of the music. An ideology that could be summarized by the etymology of the term coined after an exchange of poems between the psychiatrist Humphry Osmond and Aldous Huxley

"To make this trivial world sublime, 
Take a half a gram of phanerothyme. 
To fathom Hell or soar angelic, 
Just take a pinch of psychedelic."


Psychedelic, "which reveals the soul." Psychedelia" assumes a mystical nature 
and sees itself as an experience, a source of excitement for our psyche. And seeks to introduce itself merely wearing its original essence; dating back to ancient times, men from Paleolithic were already practicing this ancient art, a form of expression beyond language, where the acoustic vibrations and melodies express an emotion to which the rhythm gives life. This essence, the modern music progressively spoiled it, while becoming an industrial and standardized product. From art to absurdity, when the quality and the meaning were sacrificed on the altar of profitability. 

So the first countercultural revolution of the twentieth century saw the emergence of the first pioneers of psychedelic music, which although helped by entheogen virtues of some immemorial psychoactive substances, have re-explored the spiritual and ecstatic flavors of music. They are, among several others, Roky EricksonBrian JonesSky SaxonJimi HendrixJim MorrisonSyd BarrettLou ReedDon Van Vliet. From all of them, many are those who, eager for work, sadly passed away on heavy deadly overdrives. Peace to their souls.


Psychedelic music did not die with them so far, timeless it has reincarnated here and there in other musical textures. Against a background of electronic revolution, "Psychedelia" showed up the face again in Germany in the early 70s. It was the birth of krautrock incarnate among others by Can, Neu! or Kraftwerk. Fuelled by an experimental mindset, they composed their music on hypnotic rhythmic streaky patterns and melodies with which they explored the new powers afforded by electronic fairy. 
A little later, in the middle of the 80s, the punk movement was seen gradually transcended by a whole generation of psychotics. Identifying themselves with the creepy and minimal aesthetic of punk music, they have sought to explore more celestial horizons continually pushing the boundaries of the psycho-acoustic experience. Armed with an arsenal of effects pedals, legacy of technological progress, all knobs turned to maximum. It is how cold-wave, post-punk, later dream pop and shoegaze got their start. From Joy Division to Spacemen 3, through Cocteau Twins or Jesus And Mary Chains, they all had the common influence of great precursors, pell-mell: The Velvet Underground, primitive 60's garage, punk and krautrock. 

If today it feels like it comes back, psychedelic music has in fact never really left us, merely changing forms and hybridizing over time. Thus, from the 90s to the present day we observe, led by a handful of now-cult bands, the proliferation of modern psychedelic bands with many styles and diverse influences. 

We also see the first pitfalls of the growing popularity of this psychedelic resurgence, which is still a heterogeneous movement seeking some form of unity and that we need to protect from predatory temptations and other attempts to bribe from the octopus Babylon. 
The music industry, and the system in general, are looking perpetually to absorb countercultural movements, to appropriate their symbols in order to sell the "cool" distorted and devoid of any spiritual or dissenting substance. Because on purely materialistic terms this substance is just superficial, or even because it sometimes represents a potential threat to the order and monopolies in place.
We reminisce painfully some past-examples. First the hippie culture, this authentic and spiritually inspired protest that the system has quickly phagocytosed to let then in front of the eyes of the masses a handful of pastiche clichés and a profitable merchandising "made in China". Then, the punk movement. Inherently nihilistic, It had taken over the hippie movement, much like a hangover awaits one who succumbs to the excesses of a joyful festive night. It had erected a new anti-system movement, throwing here and there social and economical alternatives against a backdrop of Thatcherism, unemployment, poverty and social tensions. Finally, the market has sold Punk as a vulgar tag for rebellious teenagers in search of identity, evidenced by the painful beachcomber of American 90's skate-punk wave symbolized among others by Blink 182 and Sum 41. 

If there is a psychedelic revolution, then it will be even more interesting to observe its ability to unite solidly and permanently around common values​​, continually surpassing its pure aesthetic, perpetuating its creative wealth and never ceasing to build a real artistic and musical alternative dissented from the mainstream industrial circuits. Among the initiatives and the interesting things that emerge, beyond the recent global blooming of Psych Fests with great and huge line-up and affordable prices, we note the formation of collectives that weld some actors of the movement: such Nothing or Sons Of Confusion (on which most of the bands have been mentioned in our previous edition  of Frenchedelia), the excellent work of independent labels such Cranes RecordsHowlin Banana Records or Born Bad Records to name a few, and the organization of psychedelic evenings crossing the local scene with the international one, as examples the Acid Test Party organized by our comrades of Jabberwocky Band in Rouen or the growing enthusiasm around The Psychedelic Revolution launched in Toulouse by the members of Sweet Sound Sound.

The Frenchedelia series thus continues, and we have decided to dedicate it a new format. While the dossier that has marked its genesis was in the form of a cheerful jumble of 61 bands thrown pell-mell together, it will be now organized in the form of smaller and little more structured series of 14 bands . 
Without further ado we wish you a good journey through other corners of the sweet psychedelic French underground and we're still sorry not to have had the time to translate the introductions for each band.



A découvrir ou re-découvrir: 61 groupes français / To discover or re-discover: 61 French bands.


Studio 69 (Paris)
(soundcloud / facebook)



Ceux pour qui la simple évocation d'une partie de jambes en l'air dans une Chrysler rose figée au fond d'une cour fait tilt, devraient logiquement ressentir comme un égayant retour d'acide à l'écoute d'El Studio 69 (en écoute ici) le tout premier album du Studio 69. On retrouve une voix, réincarnation tricéphale de Dashiell Hedayat, Michel Polnareff et Jacques Dutronc, déclamant des textes dans un français qui distille subtilement une prose loufoque mêlant la poésie à l'absurde. Le chant est plaqué avec panache sur une musique colorée d'une teinte psychédélique très 60's, du 13th Floor Elevators à Pink Floyd, en passant par les Doors et une pointe de Gong, le tout toujours copieusement garni de wahwah et exécuté avec une énergie sévèrement psychotropée. On notera également la délicieuse extase produite par "L'absence", baroud d'honneur de plus de 11 minutes qui clôture l'album d'une subtile promenade introspective s'achevant en feu d'artifice interstellaire. Au beau milieu d'une scène globalement représentée par le garage 60's ou le shoegaze, le style du Studio 69, qui plus est francophone, se démarque quelque peu et régale nos tympans. Ce tout jeune groupe est l'un de nos derniers coup de cœur et leur progression dûment surveillée!


Forever Pavot (Paris)
(bandcampfacebook)



Grande oubliée de notre précédente édition, l'oeuvre d'Emile Sornin. Derrière ce nom se cache un bien curieux personnage à l'allure spastique et animé d'un amour inconditionnel pour la pop psychédélique, la cinématographie et les bandes originales 60's et 70's. Assisté d'un esprit prolixe que l'on imagine bourrée d'images kaléidoscopiques, c'est armé de son huit pistes et de tout un arsenal de synthétiseurs et autres claviers qu'il dessine les contours d'un monde féerique. Un univers magique dans lequel s'entremêlent mélodieusement le carillonnement des cordes, les saveurs acidulées des claviers, le soyeux d'une fuzz et la pureté innocente d'une voix tout droit sortie du jardin d'Eden. Cette promenade au clair de lune nous emmène sur des sentiers düsseldorfois où le krautrock se mêle à un univers pop baroque assez analogue à celui distillé par Jacco Gardner outre-Manche.
Son dernier 7" Le Passeur d'Armes sorti chez Requiem Pour Un Twister & Croque Macadam et limité à 350 exemplaires s'est écoulé à grande vitesse à tel point qu'il n'en reste plus un. On guette d'hors et déjà la prochaine sortie.


Dorian Pimpernel (Paris)
(bandcamp / facebook) 



On ne pouvait pas évoquer la pop psychédélique, Jacco Gardner, Forever Pavot et l'amour pour les synthés analogiques sans parler de Dorian Pimpernel, qui fait bel et bien parti des meilleurs groupes français à l'exercice dans ce genre. Le style qu'ils confectionnent ils l'ont nommé moonshine pop en opposition à la sunshine pop californienne des Beach Boys, et il s'avère être un genre nouveau d'agoniste à la sérotonine pour toute une génération de dandys noctambules et désabusés des centres-villes. Qu'en est-il concrètement? Et bien il s'agit avant tout d'une musique concoctée par des amoureux de la première ère psychédélique, de ses bijoux de pop expérimentale (The Piper at the Gates of Dawn, Sgt. Pepper, S.F. Sorrow, Soft Machine...) et des pérégrinations électroniques du mouvement krautrock de l'Allemagne des années 70. En résulte une musique pop gracile et savante, patinée d'électronique et qui dessine comme les contours d'un conte fantastique, emprunt de mélancolie et comblé de couleurs, d'images, de métaphores et de poésie. Leur dernier album Allombon est sorti en mars dernier sur le très bon label parisien Born Bad Records, sur lequel on retrouve aussi La Femme, Wall of Death, The Feeling of Love... Les amateurs du genre pourront aussi (re-)prêter une oreille à leurs camarades parisiens Orval Carlos Sibelius et Yeti Lane (présentés dans notre première édition Frenchedelia), ou encore leur compagnon de label Julien Gasq et le groupe toulousain Aquaserge.


Juke (Tours)
(bandcamp / soundcloud / facebook)




Changement radical d'atmosphère avec le rock progressif de Juke, qui fait honneur au psychédélisme des 70's. Influencé principalement par Pink Floyd, Gong, The Doors et plus récemment Tame Impala, les tourangeaux font preuve de bravoure sur leur dernier album dévoilant un son remarquablement riche et une palette d'atmosphères versatiles. Ne semblant accorder aucune importance à la durée des délires dans lesquels ils se lancent lors de la composition de leurs morceaux, ça et là 2, 7, 15 et même 28 minutes, leur musique se présente sous la forme de rivières et de fleuves que l'on traverse tantôt à la nage, tantôt nu sur une barque, tantôt la tête sous l'eau. Chimeras' Tale (en écoute partielle ici) est une fresque psychédélique expérimentale regroupant son lot d'humeurs et de paysages variés: on recommande vivement l'écoute aux amateurs de genre!


Shadow Motel (Toulouse/Lille)
(soundcloud / facebook)





Signé chez l'excellent label Cranes Records, le trio que compose Shadow Motel délivre une musique d'une diabolique efficacité, à l'esthétique immédiatement identifiable, un peu à l'image de la très élégante pochette de leur premier album Ausfahrt Nach. Un clavier carillonne, comme la camionette d'un  marchand de glace au beau milieu d'une ville fantôme, traçant de grande ligne blanche sur le fond noire au grain délicat que dessine une guitare savoureusement saturée. C'est sur cette toile en noir et blanc que la voix de Swan, chanteuse et organiste du groupe, vient tisser la trame de chaque morceau, captivante et angoissante comme un film de Hitchcock. Vacillant étrangement entre la désinvolture des ballades de Lou Reed comme sur "Ivory Eyes" et le glam rock teinté de new wave des Long Blondes comme sur "Cherish The Model", le chant dans la musique des Shadow Motel tient la place de la couleur dans Sin City, à la fois attirant l'attention de l'auditeur et soulignant l'esthétique travaillé de la trame de fond en noir et blanc.


Dead Sea (Paris)
(website)



Dead Sea est un groupe énigmatique qui cultive avec soin un anonymat presque complet. Le groupe parisien ne compte pour seule interface avec le public qu'un mystérieux site internet bardé de symboles concentriques et sur lequel on retrouve en écoute leur unique single "Before We Die", sorti il y a 9 mois. Un peu léger me diriez-vous, mais aussi surprenant que ça puisse paraître cet unique morceau suffit à lui seul pour qu'on évoque le groupe ici. De fait, "Before We Die" est un pur diamant de shoegaze lascif et éthéré, puisant ses influences parmi SlowdiveMy Bloody Valentine et ou encore Brian Jonestown Massacre période Methodrone. Une invitation à la rêverie et au songe à travers laquelle, bercé par un voile de guitares et d'échos, on s'abandonne et se laisse guidé par une voix féminine à la douceur et la pureté nirvanesque. On invite les plus curieux d'entre nous à jeter un œil de temps à autres sur leur site. Ils y annoncent parfois quelques dates sur Paris et c'est ce qui reste en fin de compte, dans l'hypothétique attente d'un EP ou d'un album, le meilleur moyen de parachever la découverte de ce groupe.



People Of Nothing (Paris / Dublin)
(soundcloud / facebook)





Fondé en 2008 par Florian Chombart et signé sur Anywave Records, label sur lequel on retrouve également Future ou AVGVST,  People Of Nothing fidèle à l'adage "le temps fera son oeuvre" aura laissé filer pas loin de 6 ans avant de sortir son premier album éponyme, entre Dublin et Paris, les changements de line-up, bidouillages de démos et peaufinements en tout genre. C'est ainsi que nous avons pu découvrir en mai dernier la musique délicieusement torturé de la formation. Un shoegaze lourd et capiteux, ou la rage post-punk et l'overdrive se meurent dans les cascades d'éther et de cristal que projettent les claviers et les guitares. De The Chameleons à A Place To Bury Strangers, en passant par Ride, cette formation proche du collectif Nothing surfe sur la même vague que bon nombre des groupes qui y sont issus et dont nous avions précédemment parlés. On conseille vivement l'écoute de ce premier album qui est également disponible en LP "12 (ici).


Jessica93 (Paris)
(bandcamp / facebook)




Jessica93 est certainement le pseudonyme d'une jeune balbynienne faisant le tapin sur d'obscurs chats internet, mais loin du cliché désenchanté appartenant néanmoins à notre cafardeuse réalité populaire l'épitaphe désigne aussi le projet solo de Geoffroy Laporte. Imprégné de toute la grisaille et le spleen qu'inspire une vie dans les dédales de béton rectilignes, mornes et froides qui quadrillent les aires urbaines de nos mégalopoles européennes, il délivre une musique post-punk inspirée, à la fois lourde et oppressante, mêlant les ténèbres à une froideur polaire. La recette est simple et efficace, une rythmique robotique martelée par un riff de basse s'installe et se répète tandis que les crissements froids et acérés des guitares s’immiscent dans nos synapses, travaillant notre psyché au corps à corps. Jessica93 sortira un split EP le 3 octobre avec Mistress Bomb H de Rennes, en écoute sur Noisemag (ici) et qui sera dispo en vinyle sur Kerviniou Records, avant la sortie de l'album Rise programmée au 3 novembre sur Teenage Menopause Records  et MUSICFEARSATAN. On recommande a fortiori l'écoute des 3 précédents EP de ce projet solo solide et mené avec talent qui n'a rien à envier aux derniers KVB ou A Place To Bury Strangers.


She Hunts Koalas (Toulouse)
(bandcamp / facebook)




A bien des égards, les koalas sont semblables à la musique pop: d'apparence douce et guillerette il se cache en vérité derrière cette façade aimable des êtres irascibles et cupides, aux dents longues et acérées, qui passent leurs journées à se goinfrer à s'en faire vomir. Un coup de chevrotine dans ce bazar hirsute faussement croquignolet apparaît alors comme une idée pertinente pour mettre un terme à cette supercherie tout comme un bon mur de son caractéristique du shoegaze en fini de la plus belle des manières avec la mascarade pop. She Hunts Koalas, formation toulousaine, l'a bien compris et tandis que son nom célèbre cette première idée, leur musique consacre la seconde. Auteur à ce jour d'un seul EP sobrement intitulé EP.1, le groupe fait montre d'une maîtrise délectable dans l'élaboration d'atmosphères denses et étouffantes évoquant tour à tour la moiteur d'un lit ou celle d'une jungle vietnamienne et se propageant chez l'auditeur impuissant avec l'ardeur d'un mal inconnu. S'insinuant systématiquement sur un faux rythme d'une langueur suspecte chaque morceau éclate finalement dans un orage traître de fuzz et de batterie auquel on ne peut que succomber comme un koala à un rab d'eucalyptus. Avec Sound Sweet Sound et Pearblossom Highway (cités dans notre dossier originel) ainsi que Substitut ou encore The Rusty Bells pour ne citer qu'eux, ils font partis de ces groupes toulousains qui gravitent autour de la Psychedelic Revolution.



Dusty Mush (Paris / Melun)
(bandcamp / facebook)



Pour bon nombre de gens, l'été c'est un coup d’œil dans la serrure de leur prison austère, un aperçu des voluptés auxquelles ils ont renoncé en embrassant les canons d'une société qui marche sur la tête avec la beauté gracile de VRP sous valium. Et pourtant quand il nous est enfin permis de goûter du bout des lèvres à ces délicats plaisirs, combien d'entre nous sacrifient l'instant présent à tenter de vainement l'immortaliser caméra au point ? Pour tous les nostalgiques qui veulent chasser la morosité de leur quotidien grisâtre en se replongeant goulûment dans leurs souvenirs fugaces il y a mieux que vos polaroids jaunis et les vieilles cassettes vidéos du papi:  la méthode est connu depuis plus d'un demi siècle, elle tient souvent en 4 accords et est appliquée à merveille par Dusty Mush, trio francilien signé chez l'excellent label Howlin Banana Records. En effet la musique du groupe, à l'instar par exemple de celle des Holy Wave, éventuellement accompagné d'un soupçon de narcotique, sonne comme la promesse d'un voyage dans les souvenirs de ce fameux "été dernier", quand on mordait  à pleines dents dans les seins fermes et appétissants d'une jeune demoiselle à la peau mordorée en se saoulant de rhum et de soleil sur des plages de sable blanc. Résolument jouissif, chaque morceau du groupe évolue dans un nuage de fuzz pareil à nos souvenirs confus. La réverb, qui vient déformer ou étirer les voix et les guitares, apparaît comme le prisme déformant de notre mémoire qui prolonge les charmes passés en une douce mélancolie et remet un peu de poésie dans les images qui s'effacent et du miel sur les lèvres qu'on a embrassé. Leur premier EP, Dusty Mush, est sorti en mars 2014 sur Howlin Banana Records, label sur lequel on souligne également la sortie du premier album des Quetzal Snakes en mai dernier et le prochain de Volage le 13 octobre, deux groupes déjà présentés dans Frenchedelia. Pour faire plus court on vous conseille carrément de faire le tour des groupes de ce label qui cristallise en son sein une belle frange du garage psyché français (ici) !



Os Noctàmbulos (Paris)
(bandcamp / facebook)





Emmené par Nick Wheeldon, le sheffielder également à la tête de 39th & the Nortons et ex-trublion de The Jesus Loves Heroin Band (aujourd'hui splitté mais dont on avait parlé il y a bien longtemps: ici), Os Noctàmbulos, groupe anglo-français de fait mais basé à Paris, fait lui aussi bonne figure parmi les dignes représentants de la scène garage/psyché/60's revival en France. De The Seeds, tout en passant en revue la compilation Nuggets pour s'étendre enfin à Ty Segall, Thee Oh SeesBlack Lips ou encore Night Beats, voilà qui donne un aperçu honnête du spectre d'influences de la formation parisienne. Leur dernier album, Corsica Garden, est une joyeuse musette de 10 petites pepites garage n’excédant guère plus de 3 minutes, dévoilant une musique fraîche, efficace et enregistrée avec sincérité. Le vinyle 12" est sorti le 1er septembre sur Evil Hoodoo Records (Sheffield), label sur lequel on retrouve Mugstar et un beau morceau de la scène glaswegienne avec Cosmic Dead et le garage lo-fi de Los Tentakills.


La Secte du Futur (Paris)
(bandcamp / facebook)




On avoue en cette fin d'été un sévère penchant pour un garage décomplexé à la fraîcheur toute lysergique, on fait donc ici l'éloge de l'album Greeting from Youth de La Secte du Futur. Le groupe francilien nous prêche là un petit bijoux de flower power punk délivré dans un écrin tâché de lo-fi pop et tout droit sorti du très sacré lazer temple. En quatre mots, de la bonne came qui nous est parvenue le 24 janvier dernier en provenance du label XVIII Records, regroupant par ailleurs pas mal de pépites du même acabit.


Manuel Jesus (Nantes)
On ne présente plus les nantais de Blondi's Salvation, une des têtes de gondole de la reviviscence psychédélique française. En revanche on connait moins le projet solo du chanteur-guitariste du groupe, un bien curieux personnage à l'aura mystique, portant le poncho et la moustache, voyageur spatio-temporel tout droit sorti du XIIe siècle et venu prêcher la bonne parole à notre époque de décadence pré-apocalyptique. C'est donc sans faire de bruit et presque dans le secret que le bien nommé Manuel Jesus a sorti cet été son premier album Deamons, uniquement disponible en CD et dont nous avons eu la chance de grappiller un exemplaire au détour du Paris International Festival of Psychedelic Music. Toujours très inspiré par les musiques celtes et médiévales, Manuel Jesus dévoile sur cet album une facette beaucoup plus intimiste, cherchant de sa voix monocorde et marmoréenne à exorciser les vieux démons qui tourmentent son âme éprouvée. Le rendu final est un bel assemblage de ballades folkloriques, un Velvet Underground & Nico médiéval qui s'écoute comme les sagas d'une légende mêlant chevalerie et magie noire. L'album était disponible en série limitée en contactant les membres des Blondi's Salvation (theblondissalvation@hotmail.fr), mais il s'est peut être déjà entièrement écoulé. En attendant une potentielle nouvelle édition ou la révélation de morceaux sur la toile, on ne peut que vous conseiller d'écouter quelques unes des démos sur le bandcamp.


Tropical Horses (Rennes / Paris)
(bandcamp / facebook)




Tropical Horses est un jeune canasson gracile et un peu dingue, à qui l'on est pas prêt de passer le harnais. Ne cherchez pas on est pas prêt de le voir au prochain quinté de Vincennes, Tropical Horses préfèra toujours galoper sur les sentiers pittoresques. A l'écoute du dernier album de ce jeune rennais solo, We Don't Stand On The Beach (en écoute ici) et mixé par Anywaveon a cru tout bonnement se retrouver face à face à une des œuvres de Sonic Boom, vous savez, une ambiance violemment perchée sur un genre de paradis artificiel au beau milieu de gros nuages en cotons, baigné d'une lumière blanche éclatante, le tout arrosé d'une pluie de bonbons colorés. Le jeune homme avoue néanmoins ne pas être forcément trop bercé dans le psyché mais concède l'utilisation de la loop dans laquelle s'encastrent les rythmiques sur un ton flower power punk gavé d'effets. On y retrouve aussi ça et là l'influence des Thee Oh Sees. A noté la sortie en février dernier d'un split, Double KO, avec les nantais d'Albinos Congo et qui lorgne sur un côté lo-fi punk un peu plus crade mais toujours bien gonflé de réverb (en écoute ici). On vous refile la came discrètement mais promis vous arrêtez la kétamine?


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Le seul fait que cet article pourtant bien tartiné en palabres diverses ne présente que 14 groupes, implique bien évidemment une suite de la série, on s'attelle d'ors et déjà à la publication de l'addendum #2!
Entre-temps on vous annonce la sortie dans la foulée du Vol.3 de notre compilation Frenchedelia afin de vous gâter les tympans après vous avoir suffisamment fait usé de votre rétine.

The fact that this article, yet well buttered with various palavers, features only 14 bands, implies of course a continuation of the series, we're working already in the release of the addendum #2! 
Meanwhile we announce the imminent release of our compilation Frenchedelia Vol.3 to caress you eardrums after you have done enough used your retina.

Tristan & Guillaume

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